Psychologie ‘positive’ : quand le marketing s’en mêle…

Ces dernières années ont vu naître bon nombre de courants issus du coaching comme la « pleine conscience » ainsi que d’autres approches prônant le bonheur et la réussite dans une vie épanouie et complète. Elles se déclinent en une vaste gamme de produits colorés et ludiques, dans un fatras sans cohérence de termes empruntés à la mystique comme à la psychologie du développement ou à la psychanalyse : psychopédagogie du bonheur, psychologie positive, thérapie symbolique, hypnose de pleine conscience, psychodivination, thérapie par la pensée positive, hypnose Ericksonienne… Le commerce de la santé mentale est un véritable enjeu industriel pour lequel le marketing est largement sollicité. Sous couvert de bienveillance, ces nouveaux services racontent notre temps et notre pseudo-modernité comme les nouveaux marabouts ou les bonimenteurs du début du XXe siècle, juchés sur leurs carrioles à vanter les mérites de leur breuvage magique. A l’instar de cette époque, au milieu de la foule comme sur internet, des utilisateurs complices attesteront de l’efficience du produit, de la disparition miraculeuse des problèmes intestinaux ou de la repousse des cheveux. Mais ces vendeurs à la sauvette font des dégâts… Des textes législatifs très précis encadrent pourtant les titres de psychothérapeute et de psychologue clinicien.

La législation française est claire quant au titre et à la qualité de psychologue clinicien : « L’usage du titre de psychologue en France est régit par l’article 44 de la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social et le décret n°90-255 du 22 mars 1990 fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue. L’usurpation du titre de psychologue est un délit (infraction prévue par l’article 433-17 du code pénal) »… »L’article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 modifiée relative à la politique de santé publique réglemente l’usage du titre de psychothérapeute et impose l’inscription des professionnels au registre national des psychothérapeutes »…« sans titre de Psychologue Clinicien, accompagné d’un numéro de santé de l’Agence Régionale de Santé (ARS), la personne qui se présente à vous n’a reçu aucun enseignement donnant droit à l’usage du titre de psychologue »…

Malgré les procès régulièrement diligentés par l’ARS, ces textes sont assez peu appliqués. Beaucoup jouent encore sur l’ambiguïté du préfixe »Psy ». Conférencier psychopédagogue, « pratiquant la psychologie… », coach psy… Il est assez classique qu’une personne ne pouvant se revendiquer d’un titre, invente ses propres dénominations et ses propres concepts afin de masquer un vide intellectuel ou ici, théorico-clinique. C’est aussi ce qui se pratique dans le milieu de la publicité avec l’usage d’anglicismes ou des néologismes. La bienveillance ou la positivité sont des arguments de vente assez peu coûteux, d’autant que ces prestataires sont eux-mêmes les premiers à s’en attribuer les capacités et que cette prétention devrait, en soi, éveiller la méfiance. Cette technique est aussi utilisée par certains médecins pour des raisons similaires lorsqu’ils entrent sur le terrain de la psychologie sous couvert de savoir médical, alors qu’ils n’ont reçu aucune formation à la psychologie clinique au cours de leur cursus et qu’elle n’entre pas dans le domaine de leur compétence.

Il existe une intense demande en matière de souffrance psychique et de prise en charge psychothérapique : Or, la législation mise en place depuis ces 20 dernières années laisse planer une véritable ambiguïté sur le métier de la psychologie clinique. On peut s’interroger sur les motifs d’une telle situation qui laisse s’exprimer des faiseurs de miracles comme des communicants… 

Il faut savoir que le métier de la psychologie n’est pas celui de la vente ni de la séduction. S’il est important de se sentir en confiance face à son thérapeute, le psychologue doit au contraire disparaître le plus rapidement possible pour faire place à la spécificité psychopathologique de son patient, à sa façon à lui de se maintenir dans ce chaos. Plus important encore, en matière de psychothérapie, face à l’objet de la souffrance, à la plainte première, à ce que le patient pense être la raison de son mal-être (un trouble alimentaire ou comportemental, une difficulté dans le rapport aux autres, une angoisse, une tristesse…) le praticien ne vise pas seulement la disparition du symptôme, comme c’est la cas en infirmerie ou le plus souvent en médecine, son métier éminemment technique a pour objet de libérer le sujet de l’origine de sa souffrance.

Alors qu’on pourrait se questionner sur les dangers ou les bienfaits de ces pratiques, il n’en demeure pas moins que ces personnes détournent les patients du parcours de santé et le travail de reconstruction, d’alliance thérapeutique, est alors plus complexe, plus ardu pour les professionnels de santé.

Il n’est pas toujours simple de consulter un thérapeute mais si la pratique de nombreuses activités, artistiques ou sportives, d’engagements associatifs ou culturels peuvent participer d’une véritable amélioration du bien-être, il convient de se méfier des personnes jouant sur la crédulité et l’ambiguïté des titres dans des buts purement commerciaux.